Colorimétrie : le format ACES démystifié
Harmoniser la colorimétrie en élaborant un standard ouvert et libre… Tel est la volonté du format ACES. Développé en amont de la disparition des pellicules argentiques au niveau cinématographique, ce système de gestion de couleurs offre des rendus de qualité en offrant un espace colorimétrique plus large que le traditionnel sRGB. Explications.
Offrir un rendu optimal, respectant la luminosité, les textures, les effets… dans ses moindres subtilités, c’est possible et c’est là qu’intervient le format ACES pour (Academy Color Encoding System) ! Ce système de gestion de couleurs conçu, à l’origine, pour l’industrie cinématographique et développé par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, l’organisation qui organise la célèbre cérémonie des Oscars du cinéma, offre de nombreux avantages, disposant à la fois de ses propres couleurs primaires et englobant le spectre visible défini par l’espace colorimétrique CIE_XYZ (celui perçu par les êtres humains). Si vous voulez en savoir plus sur les différents espaces colorimétriques, vous pouvez consulter l’article « Comprendre les espaces colorimétriques : tout un art ! ».
Qu’est-ce que ACES ?
Acronyme d’Academy Color Encoding System, ce système d’encodage des couleurs a été élaboré en vue de répondre à différentes problématiques :
- Proposer un standard ouvert et libre de système de gestion de couleurs ;
- Uniformiser les différents espaces colorimétriques existants ;
- Permettre la transformation des espaces colorimétriques propriétaires en cas de faillites de l’entreprise qui l’a conçue et/ou en l’absence d’archives ;
- Proposer un workflow complet de gestion colorimétrique englobant l’ensemble des cas de figure possibles.
L’idée sous-jacente consiste à offrir un flux de travail complet pour éviter les disparités colorimétriques d’un matériel / logiciel à l’autre pour obtenir une qualité de rendu identique sur tous supports (cinéma, télé, jeux vidéo, etc.). Car les espaces colorimétriques existants sont propriétaires et donc appartiennent à différentes entités ce qui présente un risque non négligeable en cas de liquidation de l’entreprise, les sources nécessaires peuvent ne plus être disponibles au bout de certaines années… D’autant plus que les experts en effets spéciaux, souvent en bout de chaîne de production, perdent du temps à devoir « compositer » de multiples sources avec des espaces colorimétriques différents. D’où l’apparition d’ACES.
Le principe
Les êtres humains perçoivent un spectre colorimétrique assez large variant en intensité. Concrètement, les nuances dans les tons clairs sont moins bien perçues que celles dans les tons sombres. Pour résoudre cela, la courbe de transfert Gamma a été développée : une caméra filme en linéaire, l’espace colorimétrique sRGB (le plus utilisé de nos jours) passe derrière afin d’appliquer le gamma. Sauf que notre perception est loin d’être linéaire contrairement aux écrans et autres matériels. En utilisant ce procédé basique, des zones surexposées apparaissent rapidement et l’image perd en intensité. C’est là qu’intervient le workflow linéaire pour contrecarrer la fonction de transfert de courbe – le gamma – intégrée dans les profils sRGB. Ce qui donne le schéma ci-contre.
Résultat ? Un rendu plus proche de la réalité, mais un problème de gamut (l’espace colorimétrique que l’écran est capable de reproduire). La majorité des périphériques utilise le sRGB qui offre un bon rendu des couleurs, mais s’avère assez limité puisque cet espace colorimétrique est défini par HP et Microsoft pour correspondre à un maximum d’écran et se veut, de facto, plutôt petit dans le rendu des couleurs laissant pour compte de nombreuses nuances comme l’indique ce diagramme.


Et c’est précisément sur ce point qu’ACES avec ses espaces colorimétriques intervient. Le format ACES intègre plusieurs espaces colorimétriques :
- ACES2065-1 : la version la plus complète dédiée à l’archivage et aux masters ;
- ACEScc : destinée à la retouche photo, cc signifiant « color correction » ;
- ACESproxy : pour l’affichage sur le Web et la prévisualisation sur écran (film, vidéo) ;
- ACEScg : pour le rendu 3D.
Comment fonctionne ACES ?
Dans les faits, le système ACES va effectuer une transformation de l’espace colorimétrique vers un autre, ce qui implique de savoir la typologie du projet (film, jeu vidéo, Web, etc.) et sa destination (quels périphériques vont être utilisés principalement pour le visualiser : écran de cinéma, moniteur PC standard, Internet). ACES permet d’adapter le rendu en prenant en compte la destination. Il transforme l’espace colorimétrique sRGB vers un format plus grand via un système d’Input Device Transform (afin de le convertir en ACEScg par exemple) et d’Output Device Transform (ce que le périphérique de destination est capable d’afficher). Pour faire simple, il en résulte un rendu à la fois léger en termes de poids d’affichage puisque ne prenant en compte que la capacité d’affichage colorimétrique de l’écran de destination et un rendu optimal des couleurs.
Pour tester ce système, il faudra néanmoins télécharger le système OpenColorIO (OCIO) disponible à cette adresse : https://opencolorio.org/. La procédure d’installation peut s’avérer assez complexe, mais la documentation est particulièrement bien faite (mais en anglais). A noter qu’une grande majorité des logiciels professionnels sont compatibles avec ce format dont Photoshop, After Effects, Nuke, Maya, Blender, Houdini… et de nombreux moteurs de rendu 3D (Arnold, V-Ray, Clarisse…).